Plantes mellifères.
Le tilleul.
(vers chataignier, aubépine, acacia )
C'était dans une tasse de tilleul que la tante de Proust qui habitait Combray trempait la fameuse madeleine dont la saveur allait jouer un si grand rôle dans le mécanisme mnémotechnique de l'écrivain ! Dédié à Vénus, le tilleul est utilisé depuis toujours en médecine aussi bien qu'en sorcellerie : Pline mentionne les heureux effets du vinaigre d'écorce sur les vices de la peau; sainte Hildegarde conjurait les pestilences au moyen d'un anneau décoré d'une pierre verte sous laquelle se trouvait une parcelle de tilleul entourée d'une toile d'araignée et de nombreux traités vantent son action sur l'épilepsie (certains affirment même que l'ombre de l'arbre suffit à la guérir!), la paralysie, les vertiges et les œdèmes. Son importance était telle qu'une ordonnance royale prescrivait de planter les routes de tilleuls et d'en réserver la récolte pour l'usage des hôpitaux.
Le tilleul est un bel arbre au tronc droit assez court, (de densité 0,417) à branches inférieures horizontales et à cime très ramifiée, dont l'écorce lisse de couleur gris brun se fissure après une vingtaine d'années. Les Tilleuls communs sont des arbres majestueux, grands, atteignant jusqu'à 30 ou 40 m, qui trouvent des utilisations multiples dans la sculpture sur bois aussi bien que dans l'usinage. Cette essence ligneuse est très importante en apiculture.
Les feuilles (caduques) de couleur vert clair, pétiolées, alternes et entières, sont acuminées et dentées en forme de cœur avec une face inférieure couverte d'un duvet rougeâtre le long des nervures. Les fleurs à odeur douce et agréable, de couleur jaune très pâle, sont petites et en grappes de 5 à l'extrémité d'un long pédoncule commun soudé au milieu d'une bractée en lame jaune verdâtre, avec 5 sépales, 5 pétales et de nombreuses étamines. Les fruits sont des petites capsules indéhiscentes, plus ou moins globuleuses, à 4 ou 5 côtes peu saillantes. C'est un arbre à la longévité exceptionnelle (plusieurs siècles comme le chêne) qui pousse à l'état spontané dans les bois et les forêts de l'Europe centrale tempérée jusqu'à 1.800 m d'altitude (plus particulièrement en France dans le sud-est et le Roussillon dont l'aubier de tilleul est très renommé) et en Asie mineure. Ils constituent dans plusieurs forêts, comme celle de la Sainte Baume (Var), des peuplements très abondants. D'autre part, le Tilleul est l'arbre symbole d'une place de village, ainsi que d'une propriété ou d'une maison isolée, son ombre est fraiche et réputée. Sept espèces, dont cinq européennes, sont parmi les plus utilisées, ainsi que deux hybrides.
Le
Tilleul commun ou T. silvestre, Tilia cordata (T. sylvestris),
très mellifère, préfère les situations sèches. Le Tilleul à grandes feuilles,
Tilia platyphyllos, est plus méridional, il fleurit plus tôt. Le Tilleul
commun, T. vulgaris, est un hybride des deux précédents. En outre le
Tilleul argenté, Tilia argentea, est originaire de Hongrie ; son nectar
est toxique pour les abeilles. Le Tilleul est cité par Virgile sous le nom de
tilia. Il était désigné en latin populaire sous l'appellation de tiliolus
et de son diminutif : tilius. Au Moyen Âge on le voit désigné sous l'orthographe
tilluel, puis à la Renaissance : tilleul, orthographe conservée
depuis.
En France quelques localités témoignent de la présence de cet arbre, comme : Tillay, Tille, Tilleux, Tillière, Tilloy, Tilly, Tilloloy, etc
Dans l'hémisphère Nord, vivent une quarantaine
de genres de Tilleuls. Ils forment facilement des hybrides entre eux. Ainsi,
le nombre des Tilleuls déjà répertoriés est beaucoup plus grand. Aujourd'hui,
il est assez difficile de trouver dans les forêts et dans les vallées européennes
des Tilleuls à petites feuilles ou des Tilleuls à grandes feuilles, mais on
y rencontre beaucoup plus souvent leur hybride, le Tilleul commun (Tilia vulgaris).
Ces deux espèces ainsi que d'autres se croisent très facilement, formant alors
de grands ensembles d'hybrides assez féconds et très changeants dans leurs caractéristiques.
Souvent, leurs feuilles mesurent entre 6 et 10 cm, la face supérieure étant
plus foncée, non luisante et la face inférieure d'un vert plus vif ou plus gris.
Elles sontlargement ovoïdes et grossièrement dentelées. Les fleurs forment des
inflorescences fourchues et retombantes par 5 à 10 fleurs et leurs akènes ont
un périanthe dur qui renferme de 1 à 3 graines. Les différents hybrides du Tilleul
commun fleurissent dès la mi-juin jusqu'à la fin du mois de juillet. Les tilleuls
européens et
leurs hybrides, comme le Tilleul commun, contiennent dans leurs fleurs des essences
naturelles, des matières tannantes, le mucilage et environ 11 glucosides, comme
par exemple, le flavone et le tilliroside. Sa fleur compte parmi les moyens
les plus prisés de la médecine populaire qui l'utilise depuis des siècles pour
guérir les refroidissements. Les agents réactifs sont, dans ce cas, le
plus probablement les glucocides.
La fleur du tilleul sert aussi la médecine
allopathique où elle est le plus souvent prescrite pour les maladies des voies
respiratoires. Il est anti-spasmodique contre la nervosité et l'anxiété stomachique
contre les digestions lentes, hypnotique contres les insomnies et émolient contre
les diarrhées.
L'aubier de tilleul (partie de la tige entre
le coeur et l'écorce) est bien connu pour son action sur les voies urinaires et
les calculs rénaux, il aide les foies paresseux grâce à sa forte teneur en
flavonoïdes, il soulage les migraines d'origine hépatiques et les états
nauséeux.
Le feuillage des tilleuls est un aliment
de choix pour les chenilles, comme on peut en juger par la très grande diversité
des espèces rencontrées sur ces arbres. Quatre Tordeuses polyphages peuvent
déformer quelques feuilles, en particulier : Pandemis cerasana , qui,
en été, pond ses œufs en ooplaques, mais dont les jeunes chenilles hivernent,
puis terminent leur croissance au printemps suivant. Souvent, surtout en milieu
urbain, les chenilles de la Mineuse : Bucculatrix thoracella, dont le
papillon ne mesure que 4 mm, tissent des toiles sous les feuilles, descendent
au sol
par des fils qui gênent les promeneurs ainsi que les commerçants qui ont dressé
leur étal sous les arbres. A signaler aussi, minant les pousses, puis les branches,
les chenilles de la Zeuzère : Zeuzera pyrina , espèce redoutée car elle
peut être à l'origine du bris de grosses branches en cas de coups de
vent. Les chenilles arpenteuses de deux Géométrides sont très présentes chaque
printemps, celles de la Phalène hiémale ou Cheimatobie : Operophtera brumata
, et celles de la Phalène défeuillante : Erannis defoliaria. Leurs dégâts
consistent en de larges parties des feuilles dévorées au hasard. Chez ces deux
espèces les femelles aptères grimpent le long des troncs à la fin de l'automne
et déposent leurs œufs à la base des bourgeons ; seuls les mâles ailés se déplacent
au vol pour l'accouplement. En juillet-août, toujours isolées, pratiquement
invisibles et jamais très nombreuses, les chenilles du Sphinx du tilleul : Mimas
tiliae, peuvent être repérées sous l'arbre par la présence de leurs déjections.
Pour se nymphoser elles descendent au sol, souvent en se laissant tomber ; à
ce moment elles ont perdu leurs belle couleur. Parmi la dizaine de Noctuelles
qui fréquentent parfois le tilleul, comme : Acronycta psi et Orthosia
gothica, seule l'espèce : Xanthia citrago peut être considérée comme
spécifique. Ses œufs déposés auprès des bourgeons au mois de septembre, hivernent
et n'éclosent qu'au printemps. Les chenilles descendent au sol durant le jour
et font chaque soir l'ascension des troncs pour s'alimenter aux dépends du feuillage.
La nymphose a lieu dans le sol ; les papillons volent et s'accouplent au mois
d'août et de septembre. Le petit Lycène Thécla w-blanc : Satyrium w-album,
visite en juillet les fleurs de ronce avant de pondre des œufs isolés à l'intersection
des branches. Leur éclosion n'a lieu qu'en mars suivant ; la chenille consomme
d'abord les bourgeons, puis les feuilles. On rencontre aussi cette espèce sur
l'Orme.
Les Acariens des Tilleuls : un Tétranyque, Eotetranychus tiliarum, espèce très fréquente et fort nuisible sur les tilleuls en alignement ou en situation urbaine. Le corps est jaunâtre au printemps, puis rouge orangé pour les individus d'été et d'automne. les yeux sont rouges. les femelles de cette espèce hivernent à l'état imaginal dans les fentes d'écorce. Pour se nourrir chaque individu vide les cellules par succion à l'aide de ses chélicères, ce qui donne rapidement au feuillage un aspect grisâtre, suivi souvent du dessèchement des feuilles et de leur chute précoce.