On sait fabriquer des nuages...

 

 Les traînés de condensation qui apparaissent parfois dans le ciel après le passage des avions constituent le plus visible et peut-être le plus important des effets de l'aviation sur l'atmosphère et le climat. Les avions fabriquent donc des nuages.

Voyons comment se forment ces traînés de condensation:Trainés dans le ciel

  Les moteurs d'avions émettent du dioxyde de carbone, de la vapeur d'eau, des oxydes d'azote, des composés soufrés et des particules de carbone-suie dans l'atmosphère. En 1990 l'aviation contribuait à hauteur de 13 pour cent des émissions de CO2 du secteur des transports et de deux pour cent de la totalité des émissions anthropiques de CO2. En ce qui concerne les oxydes d'azote, les modèles s'accordent à prédire qu'ils conduisent à une légère augmentation de la concentration d'ozone s'ils sont émis dans la haute troposphère et la basse stratosphère. Cette augmentation de la concentration d'ozone n'est pas mesurable actuellement, en raison de la grande variabilité naturelle des concentrations dans cette région de l'atmosphère.

 Les traînées d'avions, ou traînées de condensation, représente le plus visible, et sans doute le plus important, des effets des émissions des moteurs d'avion sur l'atmosphère. Souvent ces traînées de condensation fraîches coexistent avec des traînées plus anciennes qui évoluent au fil des heures vers des nuages de type cirrus. Si les conditionsthermodynamiques nécessaires à l'apparition de ses traînées dans le ciel sont relativement bien comprises, leurs propriétés microphysiques fines et leur impact sur le climat de la Terre font actuellement l'objet de recherches intensives.

Nous savons que les nuages sont constitués de gouttelettes d'eau liquide ou de cristaux de glace. Il arrive que les gouttelettes et les cristaux coexistent  dans un même nuage. Il faut savoir que les gouttelettes peuvent exister à des températures bien inférieures à 0 degrés: on parle alors d'eau liquide surfondue. Ce n'est que vers moins 40 degrés qu'une gouttelettes se congèle de manière homogène, c'est-à-dire sans l'intervention d'une particule d'aérosol qui déclenche la congélation par contact ou immersion. En dessous de moins 40 degrés, les nuages sont donc constitués uniquement de cristaux de glace. Par ailleurs la pression d'équilibre au-dessus d'une surface plane d'eau liquide est plus grande qu'au-dessus d'une surface plane de glace. Là où volent les avions, entre 10 et 13 km de haut, il est courant que l' atmosphère soit sursaturé en vapeur d'eau par rapport à la glace, mais non saturé par rapport à l'eau liAvions à réactionquide. Ces régions de l'atmosphère ne donnent pas forcément naissance à des nuages en raison de leur carence en noyaux de condensation.

La combustion du kérosène chauffe le mélange formé d'air et de carburant et produit de la vapeur d'eau, mais aussi du CO2, des oxydes d'azote, du SO2 et des aérosols de carbone-suie. L'air chaud et humide qui sort du moteur se dilue progressivement dans l'air froid et sec de l'atmosphère. Le mélange devient alors sursaturé par rapport à l'eau liquide et il y a condensation puis congélation. Si le ciel est clair ce phénomène donne lieu à l'apparition de traînées de condensation à une certaine distance derrière l'avion. Peu à peu l'humidité et la température du mélange tendent vers celles de l'air voisin. Là où il n'y a plus saturation par rapport à la glace, là traîné se sublime. Là, où l'air ambiant et sursaturé par rapport à la glace la traînée peut persister pendant plusieurs heures, s'étendre, voir évoluer en une nappe de cirrus. À terme, la traînée et constituée en grande partie de la vapeur d'eau ambiante qui s'était déposée sur les cristaux de glace apparus peu après le passage de l'avion.  Des observations montrent que le passage par la phase liquide est nécessaire à la formation des traînées. Les traînées de condensation apparaissent à des températures généralement comprises entre moins 40 et moins 57 degrés suivant l'humidité ambiante.

Des mesures microphysiques et physico-chimiques in situ, au moyen d'avions de recherche atmosphérique, montrent qu'à quelques centaines de mètres dans le sillage d'un avion, les particules du nuage sont des cristaux de glace de petites dimensions, quelques microns de diamètre, en très forte concentration (quelques milliers par un centimètre cube). Selon l'humidité de l'air ambiant, ces particules vont s'évaporer ou au contraire croître et persister pour former des nuages de type cirrus.

 On peut dire que l'impact de l'aviation sur les cirrus est potentiellement le plus important des impacts possibles de l'aviation sur le climat. Deux mécanismes bien distincts peuvent augmenter la couverture nuages de haute altitude. D'une part les traînées de condensation peuvent persister pendant des heures si les conditions ambiante sont favorables, voir se transformer en cirrus. D'autre part les particules de carbone et de suie émises par les moteurs se recouvrent  d'acide sulfurique (présent dans le sillage de l'avion). Elles deviennent alors des noyaux glaçogènes pouvant favoriser l'apparition de cirrus longtemps après le passage de l'avion.  On observe une augmentation de la fréquence d'occurrence des cirrus sur les continents de l'ordre de 1,7 pour cent. Au-dessus de l'océan Atlantique Nord, on observe une augmentation continue de la fréquence d'occurrence des cirrus, plusmarquée sur le couloir aérien nord-Atlantique (+7% par décennie) que sur l'ensemble du bassin océanique.

 En résumé, il est possible que l'aviation commerciale ait un impact sur la couverture nuageuse à haute altitude ce qui contribuerait à un forçage radiatif positif au sommet de l'atmosphère, tout du moins à l'échelle régionale. L'estimation de ce forçage est encore incertaine et il est vrai que d'autres processus peuvent être à l'origine des variations observées de la couverture nuageuse de haute altitude. Des projets alternatifs à l'utilisation du kérosène comme carburant (avion électrique ou avion fonctionnant à l'hydrogène) ne sont pas sérieusement envisagés par les constructeurs). Nous verrons donc encore, et pendant longtemps, et même de plus en plus, notre beau ciel bleu, bariolé par les traînées de condensation.

 

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