Notre
Soleil
Généralités
Le Soleil est l'une des innombrables étoiles de notre Galaxie;
à cet égard, ni sa position ni ses propriétés
intrinsèques ne sont exceptionnelles. Situé aux deux
tiers du rayon galactique (à 8,5 kpc du centre galactique),
il appartient à un bras spiral semblable à ceux que
l'on observe dans certaines galaxies. Le spectre optique du Soleil
permet par ailleurs de le classer parmi les étoiles naines,
qui sont les plus communes des étoiles de la Galaxie. C'est
la proximité du Soleil qui fait tout l'intérêt
de son étude. Son atmosphère, c'est-à-dire la
partie extérieure de l'étoile, est observable dans ses
détails. Les taches solaires , répertoriées
dès le IVe millénaire avant notre ère par les
astronomes chinois, mettent en évidence l'existence d'une activité
due à la concentration de champs magnétiques intenses
et donnent lieu à des éruptions. Très localisée,
cette activité ne perturbe pas (du moins dans les couches les
plus profondes de l'atmosphère) la plus grande partie de la
surface du Soleil, que l'on qualifie de normale. Grâce aux éclipses,
on connaît depuis longtemps l'existence, au-dessus de la photosphère
, partie visible du Soleil, de la chromosphère et de la couronne
. Cette dernière région, très chaude, s'étend
jusqu'au vent solaire qui balaye le milieu interplanétaire.
Des
structures de l'ordre de la seconde d'angle (env. 700 km, ce qui correspond
au millième du rayon solaire) peuvent être étudiées
dans chacune des grandes régions mentionnées plus haut.
Les observations spatiales, affranchies des perturbations dues à
l'atmosphère terrestre, permettront progressivement de
réduire cette dimension d'un facteur 10. Par ailleurs, toujours
en raison de sa proximité, nous recevons du Soleil un rayonnement
assez intense pour qu'une analyse spectrale précise puisse
être envisagée à toutes les longueurs d'onde,
des rayons gamma au domaine radio, et pour qu'une bonne résolution
temporelle des phénomènes transitoires dont l'atmosphère
solaire est le siège soit possible. Le Soleil apparaît
donc comme un «laboratoire» où la finesse des observations
permet l'étude des mécanismes physiques de base, dans
des conditions généralement impossibles à reproduire
sur la Terre.
L'intérieur du Soleil n'est pas aussi aisément observable
puisque, c'est sa définition, les photons ne peuvent pas en
échapper. Pourtant, deux techniques de la physique solaire,
aptes à apporter des informations expérimentales sur
l'intérieur du Soleil, se sont développées: d'une
part, la sismologie solaire , ou héliosismologie , d'autre
part, la mesure du flux des neutrinos. Indépendamment de ces
observations, les modèles d'intérieur d'une étoile
mettent en jeu son âge, sa masse, son rayon et sa luminosité;
le Soleil est la seule étoile pour laquelle ces paramètres
sont mesurables directement et avec une grande précision. Sa
masse (1,989 Z 1030 kg, soit 333 000 fois celle de la Terre) est obtenue
par l'observation du mouvement des planètes; son rayon (695
990 km) est déduit des mesures précises de distance
par écho radar, et son rayonnement total (3,86 Z 1026 W) est
mesuré par satellite, hors de l'atmosphère terrestre.
Son âge (4,5 milliards d'années) est estimé grâce
aux mesures de la radioactivité des roches
terrestres et des météorites.
Si le Soleil permet l'étude détaillée de grandeurs
et de phénomènes tout juste détectables dans
les autres étoiles, c'est en revanche l'observation d'étoiles
de tous âges qui a permis de placer le Soleil dans sa séquence
évolutive et de connaître ainsi son histoire et son avenir.
Issue d'un nuage de gaz interstellaire se contractant et s'échauffant
jusqu'à l'apparition de réactions thermonucléaires,
une proto-étoile a donné naissance au Soleil et à
l'ensemble du système solaire. Le Soleil actuel, dont l'énergie
provient de la transformation de noyaux d'hydrogène en noyaux
d'hélium, continue à évoluer lentement car la
combustion de l'hydrogène dans ses régions centrales
modifie d'une manière irréversible les équilibres
régnant à l'intérieur de l'étoile. On
pense que, dans cinq milliards d'années environ, le Soleil,
devenu une géante rouge, aura un diamètre cent fois
supérieur à son diamètre actuel et aura porté
la Terre à une température de l'ordre de 1 700 kelvins.
À travers des phases convulsives, il deviendra une naine blanche,
très dense, avant de s'éteindre définitivement.
1. Composition interne
Les photons formés à l'intérieur du Soleil n'étant
pas observables, il est fait appel, pour obtenir des informations
expérimentales sur l'intérieur du Soleil, à des
particules capables de le traverser, les neutrinos, ou à des
phénomènes globaux d'oscillation qui permettent de sonder
le Soleil comme le fait, pour la Terre,
la sismologie. Les données, pourtant, ne peuvent s'interpréter
qu'à travers des modèles de l'intérieur solaire.
Si elles conduisent à modifier les modèles antérieurs,
il est peu probable qu'elles remettent fondamentalement en cause l'image
globale actuelle, obtenue par le calcul des équilibres régissant
une étoile, connaissant la masse, la luminosité, le
rayon, l'âge et la composition chimique photosphérique.
La température du noyau central du Soleil, région occupant
un quart de son rayon, est estimée à 15,5 millions de
degrés, et la densité centrale à cent cinquante
fois celle de l'eau. Cette valeur est relativement faible, comparée
à celle d'étoiles âgées, les naines blanches,
dont la densité est dix mille fois supérieure. Dans
ce noyau ont lieu les réactions thermonucléaires qui
fournissent son énergie au Soleil. L'hydrogène qui,
à la surface, représente 71 p. 100 de la masse, est
réduit dans le noyau à 34 p. 100 en raison de sa transformation
en hélium. Les modèles indiquent aussi que les réactions
nucléaires du cycle proton-proton prédominent et que
celles du cycle du carbone, importantes à températures
plus élevées, n'apportent que 2 p. 100 de l'énergie
libérée.
Les rayons gamma et les particules rapides émis par les réactions
thermonucléaires sont immédiatement réabsorbés
et sont à l'origine du flux de chaleur qui se propage vers
l'extérieur de l'étoile par une infinité d'émissions
et d'absorptions de photons. Ces photons, dont la température
locale détermine l'énergie moyenne, sont des rayons
X de quelques dixièmes de nanomètre, puis des ultraviolets
et, à la surface, des photons du domaine visible. Dans les
régions, denses, de la zone de transport radiatif, ils ne peuvent
guère parcourir que des distances de l'ordre du centimètre
avant d'être réabsorbés, et, de ce fait, on estime
à environ 10 millions d'années le temps qui est nécessaire
au transport vers la surface de l'énergie libérée
par ce rayonnement. Un autre mode de transport de l'énergie,
le transport convectif, prend le relais du transport radiatif à
environ 0,2 rayon solaire sous la photosphère. À ce
niveau, en effet, des mouvements verticaux à grande échelle
se développent et transportent plus efficacement la chaleur
vers le haut. La «signature» de cette convection est d'ailleurs
visible, sous forme de la granulation photosphérique, à
la surface du Soleil.
C'est également par l'étude de la photosphère
que l'on a découvert les oscillations globales auxquelles le
Soleil est soumis et qui comportent un grand nombre de modes oscillatoires
différents. L'étude de ces oscillations permet de tester
les modèles d'intérieur du Soleil. Deux types d'oscillations
globales sont étudiés: celles dont la force de rappel
est la gravité, qui n'ont pas encore été détectées
avec certitude en ce qui concerne l'intérieur du Soleil, et
celles dont la force de rappel est la pression, pour lesquelles on
dispose de l'observation de centaines de modes différents.
Pour séparer les modes entre eux, des mesures continues de
longue durée sont nécessaires. Après avoir observé
le Soleil plusieurs jours de suite durant l'été austral
en Antarctique, les spécialistes ont organisé des réseaux
internationaux d'instruments au sol et ont placé des expériences
à bord de satellites comme Soho (solar and heliospheric observatory
). Un des apports essentiels de l'héliosismologie est la mesure
de la rotation à l'intérieur du Soleil.
Au cours des réactions thermonucléaires, des neutrinos
sont émis; ces particules peuvent traverser des quantités
considérables de matière sans être absorbées.
On peut obtenir par leur observation des informations directes sur
la température du noyau solaire. Leurs propriétés
rendent évidemment la détection des neutrinos solaires
extrêmement difficile. Il a fallu un réservoir de 380
000 litres de perchloréthylène C2Cl4 (enterré
dans une mine à 1 590 m de profondeur pour éviter les
effets parasites des rayons cosmiques) pour réussir cette première
mesure, qui ne met en jeu que deux captures de neutrinos par jour.
Les résultats d'une autre expérience (Gallex) ont montré
que le flux de neutrinos est 30 p. 100 moindre que celui qui est prédit
par les modèles. Des modèles modifiés de l'intérieur
du Soleil ont été proposés pour expliquer ce
déficit en neutrinos, mais de nombreux spécialistes
considèrent que la solution pourrait venir de la transformation
des neutrinos électroniques initiaux en neutrinos muoniques
ou tau, que ne peuvent pas détecter les expériences
actuelles. La poursuite des mesures des neutrinos solaires permettra
certainement de résoudre cette énigme; en tout état
de cause, elle ne manquera pas de faire progresser notre connaissance
de l'intérieur de l'étoile, avec l'aide de la sismologie
solaire.
2. Son Atmosphère
Photosphère
La photosphère pourrait être définie comme la
surface du Soleil telle que l'oil la voit, mais cette définition
n'est que très approximative car l'atmosphère d'une
étoile est continue, et chaque longueur d'onde y pénètre
à une profondeur différente. La température effective
de la photosphère, de 5 780 kelvins, explique la couleur blanc-jaune
perçue par l'oil. Outre les taches solaires, l'observation
en lumière blanche (c'est-à-dire sans analyse spectrale),
avec une bonne résolution angulaire, montre l'existence de
fluctuations de brillance, connues depuis le début du XIXe
siècle, couvrant toute la surface du Soleil. La granulation
solaire est en fait formée de polygones brillants dont la dimension
est de l'ordre de 1,4 seconde d'angle (soit 1 000 km), séparés
les uns des autres par un réseau de fines régions sombres.
La durée de vie de chaque granule est de quelques
minutes, et l'étude cinématographique montre le caractère
dynamique de ces structures qui sont liées, nous l'avons vu,
à l'affleurement dela zone convective sous-jacente.
Le rayonnement continu de la photosphère s'assombrit nettement
du centre vers le bord du disque solaire. Les rayons issus de régions
proches du bord traversent l'atmosphère sous incidence oblique
et sont, de ce fait, plus absorbés à une altitude donnée
que les rayons observés au centre. Ils pénètrent
moins profondément dans la photosphère que ces derniers.
L'assombrissement au bord indique donc une décroissance de
la température avec l'altitude, en continuité avec l'intérieur
de l'étoile. L'ensemble du spectre de la photosphère
permet la construction de modèles moyens de la température
et de la densité en fonction de l'altitude. La photosphère
est la région du Soleil où la composition chimique peut
être déterminée avec le plus de précision
car plusieurs milliers de raies d'absorption, les raies de Fraunhofer
, sont identifiables: ce sont des raies atomiques ou moléculaires
dont l'intensité absolue permet de connaître le nombre
d'atomes absorbants et de déduire l'abondance de l'élément
concerné. L'abondance des éléments lourds d'une
étoile reflète l'histoire de leur création par
nucléosynthèse.
Deux autres caractéristiques essentielles de la photosphère
peuvent être étudiées grâce aux raies. D'une
part, par déplacement Doppler-Fizeau des longueurs d'onde,
le champ de vitesse peut être mesuré avec beaucoup de
précision. C'est, en particulier, la base de la sismologie
solaire. En outre, certaines raies sont séparées par
effet Zeeman en plusieurs composantes polarisées: des mesures
du champ magnétique sont donc possibles. Dépassant 0,4
tesla dans certaines taches, les champs magnétiques pourraient
aussi atteindre des valeurs élevées dans la photosphère
calme, dans des domaines inférieurs à la seconde d'angle.
Le magnétisme solaire est essentiel car il est non seulement
responsable de toute l'activité solaire, mais il détermine
aussi pour une bonne part la structure et la physique de l'atmosphère
normale.
Chromosphère
Les observations lors d'éclipses indiquent qu'immédiatement
au-dessus de la photosphère existe une région d'environ
1 500 kilomètres d'épaisseur, la chromosphère,
dont la température, à l'inverse de celle de la photosphère,
croît avec l'altitude. Un mécanisme de chauffage, probablement
par dissipation d'ondes, permet d'expliquer cette remontée
de la température. Le minimum de température, situé
entre la photosphère et la chromosphère, est observé
en infrarouge et en ultraviolet, et correspond à environ 4
300 kelvins. En dehors des éclipses, diverses techniques (spectrohéliographie
ou utilisation de filtres interférentiels) permettent l'obtention
d'une image de la chromosphère sur le disque dans les raies
fortes telles que les raies H et K du calcium ionisé (à
396,7 nm et 393,3 nm) ou la raie Ha de l'hydrogène à
656,3 nanomètres. L'aspect de la chromosphère en Ha
est fortement hétérogène. Des spicules , structures
verticales d'un diamètre de l'ordre de 1 000 kilomètres,
bordent des régions de 40 000 kilomètres de diamètre
environ. Ce quadrillage de l'atmosphère solaire normale correspond
au réseau chromosphérique brillant dans les raies H
et K du calcium ionisé. Il est observé également
au niveau de la photosphère: appelé «supergranulation»,
il est caractérisé par un écoulement de matière
du centre vers le bord des cellules avec des vitesses horizontales
de l'ordre de 0,3 à 0,5 km/s. Une faible vitesse verticale
est détectée au centre des supergranules. La durée
de vie des cellules de supergranulation est de quelques heures (cent
fois supérieure à celle des granules). Alors que les
granules n'ont apparemment pas de liaison avec le champ magnétique,
les mesures du champ photosphérique indiquent une nette augmentation
du champ en bordure de la supergranulation, par concentration du champ
magnétique à cet endroit. C'est d'ailleurs aux nouds
du réseau chromosphérique que naissent les régions
actives. Le mécanisme créant la supergranulation et
le réseau chromosphérique n'est pas éclairci,
mais, en raison de son échelle horizontale plus grande que
celle des granules, son origine se situe certainement dans des mouvements
convectifs subphotosphériques plus profonds que ceux qui sont
liés à la granulation.
Transition chromosphère-couronne
Alors que les gradients verticaux de température dans les régions
interspiculaires de la chromosphère sont de l'ordre de 10 kelvins
par kilomètre, ils deviennent brusquement cent fois plus grands
à 2 000 kilomètres d'altitude. C'est là, en effet,
que l'influence de la couronne commence à être sensible,
un flux conductif important chauffant toute la région de transition
chromosphère-couronne. Cette partie de l'atmosphère
solaire est difficilement observable dans le domaine visible, car
les raies du spectre d'éclipse s'affaiblissent quand la température
croît et que la densité diminue. Les modèles de
la zone de transition proviennent principalement des observations
de raies ultraviolettes et du continuum radioélectrique. L'intensité
de ce dernier indique des températures s'échelonnant
de 10 000 kelvins à 2 centimètres de longueur d'onde,
à près d'un million de kelvins pour une longueur d'onde
de 1,5 m. De même, les raies ultraviolettes qui proviennent,
près de la chromosphère, d'éléments peu
ionisés, tel le silicium une fois ionisé (Si II), sont,
près de la couronne, des raies d'atomes très ionisés,
tel le silicium neuf fois ionisé (Si X), les différents
états intermédiaires étant successivement présents.
Les spicules traversent toute cette région, atteignant la base
de la couronne à des altitudes de 10 000 à 15 000 kilomètres.
Les mouvements du réseau chromosphérique se prolongent
ainsi dans la région de transition avec des vitesses ascendantes
au centre des cellules et des vitesses descendantes à leur
périphérie. L'ordre de grandeur de ces vitesses est
de quelques kilomètres à la seconde. L'atmosphère
solaire est donc loin d'être statique, même si la composante
normale paraît globalement stationnaire.
Couronne
L'étude de la couronne s'est faite, pendant de nombreuses années,
lors d'éclipses ou à l'aide d'un instrument, le coronographe,
créant une éclipse artificielle de la photosphère.
Pourtant, en 1973, les images en rayons X obtenues à partir
de la station orbitale habitée Skylab ont profondément